La vérité sur les “hybrides”

mon cours photo à melun

Le marketing a signé une belle réussite, l’appareil photo hybride !

Le nom français est d’ailleurs un pas supplémentaire dans l’intoxication. Hybride ? …Ce doit être comme les voitures, çà ne pollue pas, c’est écolo…!? En fait, le nom le plus approprié, est celui en anglais, « mirrorless » (Sans miroir). Une nouvelle technologie ? non !

Les appareils sans miroir étaient nommés auparavant « appareils compacts » à visée colimatée ou à visée télémétrique (Kodak, Foca, Leica…).

Cette technologie n’a donc rien de révolutionnaire. Sur ces « hybrides » rien de très propre car très gourmande en énergie, elle nécessite plusieurs batteries de réserve ou de grande capacité.

En effet, ici, on colle son œil à un viseur dans lequel se trouve un écran, cela s’appelle un viseur électronique (EVF – electronic viewfinder). Cette technologie s’oppose à celle des Reflex, dans lesquels la visée est entièrement « optique », c’est à dire renvoyée au travers de l’objectif par un miroir, vers un prisme redresseur, et vers notre œil…

L’avantage du viseur électronique ?

On voit la photo comme elle sera rendue, puisqu’il s’agit d’un écran de contrôle en temps réel.

Mais quel avantage en pratique ?

Avoir une visée monochrome si on veut faire du N/B ?

Oui mais… le noir et blanc de qualité çà ne se fait pas dans l’appareil mais bien en post traitement, grâce auquel on va obtenir un vrai rendu film spécifique. On va filtrer les canaux couleurs, on va éventuellement obtenir du grain, modifier la courbe de contraste etc. Obtenir du N/B en ayant capturé la photo en couleur nous permettra aussi un process qui n’est pas irréversible !

“Voir en NB” çà se passe surtout avec sa tête et ce n’est pas un choix sur un écran entre une vue couleur et une vue monochrome. Tout comme les « rendus » couleurs spécifiques qu’il sera toujours préférable de travailler en post traitement. Voir la scène sur un écran en N/B, je dis… bof!

Avec l’EVF on peut apprécier la profondeur de champ ?

En théorie oui, grâce à des outils de surbrillances de zones… Mais apprécier la profondeur de champ avec cet outil et dans le viseur électronique n’est pas très parlant… pour moi en tout cas. En pratique, je trouve cet outil d’une inefficacité totale ! Une simple échelle des distances avec une zone de profondeur de champ précise et bien matérialisée serait bien plus efficace et plus rapide à l’usage ! D’autant plus que la profondeur de champ est une notion subjective qui devra se paramétrer selon son exigence et son usage…

Mais là, aucun réglage expert possible, on donne l’illusion d’avoir une fonction utile. Saluons tout de même la seule marque à ouvrir la voie dans ce domaine qui est Fujifilm. Avec des appareils à viseurs mixtes (EVF et OVF – optical Viewfinder) dans lesquels on retrouve une échelle de distance et de profondeur de champ. En pratique cette fonction est peu utilisable car réservée à la mise au point manuelle, peu lisible car le pas d’échelle numérique est trop condensé et trop petit, et peu paramétrable pour l’amateur expérimenté)…

Beaucoup de progrès restent à faire pour matérialiser efficacement la profondeur de champ, toutes techniques confondues… (A quand la mesure des distances dans l’appareil photo?)

Que reste-t’il  comme avantage à la visée électronique de l’hybride?

La luminosité forcé de l’écran qui nous montre une scène lumineuse même dans l’obscurité ?

Moi personnellement j’aime bien voir un contre-jour quand il y a contre-jour, une obscurité quand il y a obscurité. Cela s’appelle voir « sans filtre », avec nos yeux, sans rémanence, sans balayage, avec des couleurs vraies, sans défaut d’étalonnage, sans luminosité forcée, sans nécessité de mettre l’appareil sous tension…

Le marketing nous fait perdre finalement ce que je considère être les « fondamentaux » en matière de photographie.

Voir ce que l’on va photographier, comme si l’appareil était le prolongement de nos yeux, avec confort et précision. Le viseur naturel du reflex est un beau bijou d’optique de précision … et on veut nous faire croire que ce prolongement naturel de nos yeux est dépassé ?!

La vérité, c’est que ce viseur dans le monde reflex, coûte très cher ! Il fait appel à un bloc en verre optique appelé Pentaprisme ou prisme  et à un réseau complexe de lentilles. Pour réduire les coûts, depuis des années on essaye de trouver des alternatives (miroirs à la place du prisme, prisme organique etc.). Le résultat est une visée qui se dégrade de plus en plus, modèles après modèles, pour des justifications de profit et de prix…

Lorsque l’on remonte de quelques dizaines d’années en arrière et que l’on colle son œil à un « vieux » reflex des années 1990-2000 on mesure l’immense régression ! Regardez la splendide visée d’un Nikon d801, d’un F4S ou d’un F3 DA2 ! Les utilisateurs qui portaient des lunettes étaient bien servis avec des dégagements d’oculaires exceptionnels…

Quels appareils numériques « petit format » actuels peuvent se targuer de rivaliser dans ce domaine avec ces « vieux » outils ?

Aucun, c’est clair ! Quelle dommage d’avoir sacrifié l’un des principaux confort et plaisir de l’appareil photographique. Qui peut dire que le confort de visée n’est pas l’une des principales caractéristiques que l’on doit attendre de l’outil photographique ? Certainement celui qui ne prend pas le temps de composer sa photo, qui déclenche à la va vite… et c’est bien là le drame.

La vérité, c’est que l’appareil hybride, conforte cette tendance, ou l’observation, le plaisir des yeux, l’acte pensé et réfléchi sont en voie de disparition…

Ce nouveau type d’appareil est lancé par des fabricants qui ne sont pas à l’origine, des fabricants d’appareils photos mais bien des géants de l’électronique, Panasonic-Matsushita, Sony…

Ces fabricants n’ont pas la culture photographique, l’expérience et surtout le savoir faire optique et mécanique, des Leitz, Nikon, Pentax, Canon, Fuji, Olympus… Ces derniers sont tous des fabricants de verres, d’objectifs, et donc de lentilles, de prisme, de miroirs… Concurrencer ces marques sur leur propre terrain aurait été impossible pour Sony ou Panasonic. Sous-traiter la fabrication des verres, de lentilles, de miroirs mécaniques, leur mangent littéralement leurs marges commerciales. Ils se sont résolus à s’associer à des fabricants d’objectifs et à limiter leurs besoins en matière de verre optique dans la construction d’appareils photo numériques.

La solution a été, donc tout naturellement, de produire des appareils numériques qui n’ont pas besoin de prisme, de miroir, et qui ont été remplacés par, ce qu’ils savent parfaitement faire : l’électronique, l’écran.

A grand renfort marketing ils ont imposés au grand public cette vision de l’appareil photographique et leur vision du progrès… pour leur plus grand profit. Et la majorité a suivi et… en redemande.

Les Canon, Nikon, Fuji… ont été bien obligés de répondre à cette demande créée de toute pièce !

Mais se battre sur le terrain de ses géants de l’électronique est un combat perdu d’avance. Souhaitons pour eux, une réaction contraire, celle de renouer avec les fondement de la photographie. Qu’ils consacrent leurs efforts au confort de visée, au dégagement d’oculaire, à visée large, naturelle, lumineuse. A des outils permettant de mesurer la distance, d’évaluer précisément la profondeur de champ, à la compatibilité des gammes d’optiques, à l’universalité des systèmes… Espérons !

En synthèse, visée mise à part, on remarquera que les technologies mises en oeuvre sur les appareils mirrorless sont aussi utilisées sur les reflex :

  • Les capteurs sont les mêmes, en fonction des gammes, on aura la même qualité d’image
  • Les 2 technologies utilisent les mêmes écrans de visualisation et de visée live view
  • Les système AF sont aujourd’hui tout aussi efficaces. Par ex. Canon propose un double module AF dans ses reflex (pour la visée optique et pour la visée live view), Nikon avec son D780 aussi… Les AF des 2 technologies peuvent être globalement aussi performants. En tout cas les reflex feront toujours, la mise au point automatique « au moins aussi bien » que n’importe quel hybride.
  •  La stabilisation d’image, si elle est utile dans quelques pour-cent des cas, peut exister aussi bien quel que soit le type d’appareil. Pentax montre sur son reflex k1 qu’une stabilisation du capteur dans les reflex est tout à fait possible, aussi efficace que de nombreux hybrides… La stabilisation dans les objectifs est très répandue aussi et permet aussi aux reflex non stabilisés de profiter du système.
  • Les systèmes d’obturation électro-mécaniques restent les mêmes dans les hybrides ou dans les reflex.
  • Les systèmes d’obturation numérique (obturateur numérique), peuvent exister dans les 2 technologies, les reflex Canon en sont pourvus depuis pas mal de temps et chez Nikon le système s’est perfectionné sur le D850.
  • Le poids est sur, bien des modèles, très équivalent quoi que l’on puisse dire… Par exemples, un hybride Sony A7R IV va peser 665g, un reflex Nikon D5600 va peser moins de 500g, un hybride Nikon Z6 585g, un reflex expert D780 va peser 755g, un Canon 80D, 730g, un Canon 7D 910g.

Dans cette fourchette des ± 200g de différence on va pouvoir tenir quasiment la majorité des modèles toute technologie confondue, et en pratique le poids de l’équipement c’est surtout celui impacté par celui de nos objectifs !

  • Les 2 technologies peuvent offrir de la photographie sans l’usage du miroir (fonction “miroir up” dans les reflex et pour réduire les micros-vibrations pouvant être introduite par le mouvement du miroir) … et oui ! Un reflex çà sait aussi faire des photos en miroir relevé en mode optique, et bien entendu se comporter comme un mirorless en mode liveview (mode visée écran).

Pour être équitable je pense qu’il reste cependant un avantage imprenable à l’appareil photo mirrorless… un avantage de taille dont personne ne parle!!

  • La possibilité d’y adapter n’importe quel objectif, de n’importe quelle marque et de n’importe quelle époque avec un adaptateur dédié. Et souvent pour pas très cher car facile à réaliser!

En effet, la faible distance entre le capteur et la monture d’objectif permet l’emploi d’adaptateurs et de conserver la mise au point à l’infini. Chose impossible sur la plupart des reflex. Un vieux (et excellent) 50mm Zeiss Planar, un objectif Leica M, un apo-elmarit R, un 42 à vis Pantacon, un Beyer “Bokeh Monster”… çà se monte sans problème avec une bague sur un mirrorless alors que sur un reflex la mise au point à l’infini ne sera plus possible (adieu les courtes ou moyennes focales et les plus de 135mm devront être utilisés à mi-distance).

Je dirais que “rien que pour çà” l’aventure de faire revivre quelques objectifs mythiques exposés sur mon étagère peut être tentante…
Aujourd’hui, les 2 tendances technologiques Reflex et Hybrides, sont ancrées et continuent leurs évolutions en parallèle. Mais soyons sincères, hors de toute propagande marketing, tout ce que l’on pourra faire avec un « hybride » on peut le faire avec un reflex ! Ne sombrez donc pas dans un consumérisme futile, le plus important c’est bien faire des photos, affiner son œil et son regard sur les choses (le plus directement possible), « travailler » ses images … et pas de faire chauffer son chéquier !

2 Replies to “La vérité sur les “hybrides””

  1. Je pense également comme vous, ce qui m’a valu un bannissement sur un forum dont Nikon est la Passion, car je donnais peu ou prou les mêmes raisons que vous à ce que trouvais une fausse avancée. Évidemment oser ne pas abonder dans le sens du « boss » du forum et oser dénigrer « publiquement » Nikon sur son engagement dans cette voie m’a valu une éviction rapide, preuve s’il en est que certains fora sont achetés par les marques, bien que ceux-ci le nie avec véhémence.

    Donc pour en revenir à ce que je disais, cette soi-disant « avancée » technologique n’en est pas une et représente pour moi un danger réel pour la Photographie en tant qu’Art. Rendre les choses faciles est l’aspiration de tout individu, mais le risque est que derrière cette facilité se cache une technologie qui prend le pas sur l’Homme lui-même. Cliquer sur une icône pour obtenir un effet « artistique » quasi instantané grâce à une IA qui décide de ce qu’elle va faire ne fait pas du « cliqueur » un artiste pour autant. Le « cliqueur » reste… un banal « cliqueur » !
    Devenir Artiste (je mets une majuscule par respect pour ce titre) demande du temps, des efforts, de la technique, de la volonté, du travail d’imagination, des échecs (nombreux), etc. Le « Clic-Clac » je suis un artiste n’existe pas…sauf peut-être dans les contes de fées ou dans l’imaginaire collectif actuel en totale décrépitude.

    Voilà, tel est mon point de vu.
    Cordialement.

    1. et bien ici pas de modération, tout le monde est libre d’avoir des opinions! L’avenir a tendance a nous donner raison à la vue des pertes de marchés importantes chez Nikon… C’est triste car j’affectionne cette marque qui est à l’origine du matériel photographique japonais (la Nippon Kogaku).
      Il est vrai qu’aujourd’hui bon nombre de photographes ne se retrouvent pas dans un Z7ii ou dans un Z9 mais achèteraient sans aucune hésitation un reflex avec le même capteur et avec un gros viseur optique du type F3 DA2 qui permettrait un confort exceptionnel même pour des porteurs de lunette.
      Si en plus on avait une visualisation numérique de la profondeur de champ (couplée à la distance AF) et paramétrable en fonction du cercle de confusion personnalisé… Une synchro flash au 1/500s ou plus… Un petit retour aux fondamentaux de la photographie! Et si çà ne fait pas “four micro-onde” on en voudra pas à monsieur Nikon car on achète quand même un appareil photo pour… faire de la photo! Pour créer de belles images il faut voir juste, bien avec confort, et qui peut mieux faire en la matière que nos yeux?
      bref si un tel boitier était produit j’en connais des photographes qui mettraient la main au porte feuille avec largesse.
      Aujourd’hui préférons-nous regarder avec nos yeux ou avec des lunettes dans lesquelles un écran relayerait ce qui est capté numériquement? Même si en incrustation dans l’écran on y voyait nos sms, nos conversations, nos réseaux sociaux! oui cela existera certainement ce sera la fin de toute communication directe et sincère, de toute “humanité”… on est bien en route pour cela et on l’appelle “progrès”!

Laisser un commentaire